Plus de cinq ans pour une demande d’accès à l’information
(Ottawa) Un Canadien qui voulait consulter, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, la correspondance professionnelle du directeur de la Santé publique fédérale mêlé à une controverse s’est fait dire d’attendre cinq ans ou plus avant d’obtenir une réponse.
Le demandeur s’est récemment adressé à l’Agence de la santé publique du Canada pour obtenir, comme le permet la loi, les courriels, textes et messages que le président, Iain Stewart, avait envoyés ou reçus du 14 au 21 juin dernier — une semaine de correspondances. La Presse Canadienne n’identifie pas le demandeur parce qu’il s’inquiète des implications possibles pour son emploi.
Il voulait comprendre pourquoi M. Stewart avait refusé de fournir à un comité des Communes certains documents non caviardés sur le congédiement de deux scientifiques au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, ce qui a déclenché un contentieux avec le président de la Chambre, Anthony Rota.
En vertu de la loi fédérale sur l’accès à l’information, les agences et ministères doivent répondre aux demandes d’accès dans les 30 jours, ou fournir les motifs pour lesquels plus de temps est nécessaire.
Or, l’Agence de la santé publique a récemment informé le demandeur qu’un délai pouvant aller jusqu’à 1950 jours — plus de cinq ans et quatre mois — serait nécessaire. L’agence a expliqué que la demande visait un grand nombre de documents, que le délai initial interférerait indûment avec ses activités et qu’une autre institution gouvernementale devait être consultée.
L’Agence de la santé publique n’a fait aucun autre commentaire dans l’immédiat.
Le demandeur et des experts en droit d’accès à l’information estiment que ces délais vont à l’encontre de l’objectif de la Loi. « La ‘‘transparence’’n’est qu’un slogan bancal », a déclaré le requérant, accusant l’agence d’entraver l’accès aux dossiers. « Justice différée, justice refusée. »
Une « promesse libérale rompue »
Le demandeur a porté plainte auprès de la commissaire fédérale à l’information dans l’espoir que cette ombudsman pourra accélérer le traitement. « Elle a la chance de prendre des mesures audacieuses et enfin de demander des comptes aux bureaucrates fédéraux – en particulier sur une question d’intérêt public aussi urgente. »
Fred Vallance-Jones, professeur agrégé de journalisme à l’Université de King’s College, à Halifax, calcule que ce délai équivaut à environ huit mois de travail pour chaque jour de correspondances, « ce qui semble absurde à première vue », selon lui. « Il est important de noter que M. Stewart est un très haut fonctionnaire, et on s’attend à ce que ses communications soient conservées et accessibles », a déclaré M. Vallance-Jones. « L’accès à l’information perd tout son sens si l’information ne peut être récupérée dans un délai raisonnable — et je pense que c’est doublement vrai pour les gens à ce niveau, qui devraient prévoir de telles demandes. »
Lorsque Sean Holman, qui étudie l’histoire de la liberté de l’information, a vu pour la première fois la réponse de l’agence, il a cru à une blague. « Ce n’est rien d’autre que de retarder l’accès simplement pour refuser l’accès, dans les faits, et un autre exemple de la façon dont le gouvernement Trudeau a rompu la promesse électorale des libéraux d’être ‘‘ouverts par défaut’’ », a déclaré le professeur de journalisme à l’Université Mount Royal de Calgary.
Il y a quelques jours, le député néo-démocrate Charlie Angus a appris que le ministère de la Justice pourrait prendre plus de six ans avant de traiter sa demande de documents liés à la création d’une nouvelle agence qui surveillera la pornographie juvénile et l’exploitation en ligne.
Le gouvernement fédéral réexamine actuellement toute la Loi sur l’accès à l’information et la façon dont elle est administrée. Dans le cadre de cet examen, l’organisme « Liberté de la presse Canada » a soutenu que les institutions fédérales étaient peu incitées à respecter des délais raisonnables.
« Il n’y a pas de limite claire à la durée des délais qu’ils peuvent invoquer unilatéralement et le dépassement des délais n’a aucune conséquence matérielle : les règles du jeu penchent en leur faveur. »
Collectif 24
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