GECAMINES VS TFM : Les Chinois sur La sellette au Katanga
L’information a fait l’effet d’une bombe fin février 2022, lorsqu’un tribunal de Lubumbashi avait décidé de retirer momentanément China Molybdenum de la direction de Tenke FungurumeMining (TFM), un des plus gros exploitants du cobalt en RDC. La direction de TFM a été ainsi confiée à la partie congolaise dans l’entreprise pour une période de 6 mois, le temps que les enquêtes sur le terrain puissent établir ou non les griefs de la Gécamines, entreprise d’Etat, contre son associé chinois.
Le 28 février 2022, le tribunal de commerce de Lubumbashi a en effet désigné Sage Ngoie, un ingénieur jusque-làchargé de la supervision de l’élimination des déchets et de tâches d’ingénierie, en qualité d’administrateur temporaire de TFM. Il aura pour mission de réconcilier les deux partenaires sur les problèmes qui les opposent, notamment, l’accès aux informations techniques et la détermination de leurs droits respectifs.
Sage Ngoie a reçu également le pouvoir de prendre des décisions liées aux opérations minières et à la vente du cuivre et du cobalt produits par TFM, dont une grande partie était jusque-là exportée vers la Chine.
Bémol
Un mois après la publication de la décision du tribunal de commerce de Lubumbashi, le gouvernement rd congolais a pris l’initiative d’atténuer la sévérité des mesures arrêtées par les instances judiciaires du Katanga en faveur de la Gécamines SA. Dans un communiqué daté du 28 mars 2022, le gouvernement Sama Lukonda a, dans un communiqué, fixé l’opinion sur le différend qui oppose la Gécamines SA à TFM SA. Ce texte renseigne que la procédure judiciaire y relative est «suspendue en vue de favoriser un climat apaisé d’échanges et d’harmonie entre les parties au conflit».
Le communiqué du gouvernement central précis que l’exécution de la réquisition d’information prise par le parquet de Lubumbashi le 8 mars 2022 a été entouré d’une certaine «cacophonie» en rappelant une correspondance antérieure du ministère de la Justice déplorant cette situation et proposant «une feuille de route de sortie de crise, assortie d’un chronogramme, afin que les deux parties parviennent à un accord sous l’égide du 1er ministre à travers les ministres sectoriels concernés».
Cette attitude conciliante du gouvernement semble dictée par le souci de ne pas décourager les investisseurs qui ont choisi la RDC pour y développer leurs affaires.
Climat des affaires
Du bémol donc, au nom de la préservation du climat des affaires, même si à la reprise des négociations entre la Gécamines SA et TFM autour de la détermination des réserves en cuivre et en cobalt de TFM le 14 février 2022, plusieurs Ong congolaises spécialisées dans le secteur minier, à l’instar de l’ACAJ, ont exhorté les autorités nationales à prendre la défense de la Gécamines SA, société d’Etat, dans la défense de ses «intérêts longtemps bafoués».
Le contentieux qui oppose la Gécamines SA à China Molybdenum s’inscrit dans le délicat contexte de la révision des contrats réputés léonins conclus naguère au détriment de la société d’Etat et de la RDC. L’année dernière, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo avait constitué une commission chargée d’enquêter sur les allégations selon lesquelles China Molybdenum, qui avait racheté la mine de TFM auprès d’une entreprise basée en Arizona aux Etats-Unis en 2016, avait minoré les réserves réelles de sa nouvelle acquisition, réduisant ainsi la hauteur de ses redevances minières.
La Gécamines, ancienne propriétaire de la mine, accuse les Chinois de n’avoir pas déclaré des milliers de tonnes de réserve de cuivre et de cobalt existants sur le site, la privant d’importants revenus qui lui sont dû lorsque de nouvelles réserves sont découvertes.
Contrats léonins chinois
China Molybdenum avait bénéficié d’un financement de Beijing pour l’acquisition de la mine de Tenke Fungurume. Cette facilité lui permettait d’avoir la mainmise sur la chaîne d’approvisionnement en minéraux et métaux qui interviennent dans la fabrication des batteries électriques. Rien que pour l’année 2021, la RDC a produit 70 % du cobalt mondial, selon des sources médiatiques.
China Molybdenum, dont l’ancien vice-président de la RDC, Azarias Ruberwa est l’avocat, nie toute dissimulation de réserves de la mine de Tenke Fungurume. Interrogé par la presse le 1er mars 2022, la société avait annoncé un recours contre la décision du tribunal de commerce de Lubumbashi, sans plus de commentaires.
Soutien américain
Le réexamen des contrats chinois est fortement encouragé par les Etats-Unis qui soutiennent la politique de la lutte contre la corruption instaurée par Félix-Antoine Tshisekedi. En 2020, les entreprises bénéficiant de l’appui de la Chine disposaient de participations financières dans 15 des 19 mines de production de cobalt en RDC. C’était plus que ne pouvaient l’accepter les Occidentaux, avec les Américains en tête, qui craignent qui exècrent tout contrôle de l’empire du milieu sur les chaînes d’approvisionnement d’un minerais dont les prix ne cessent d’augmenter en raison de son importance stratégique.
Mais la RDC doit également tenir des conséquences de cette révision des contrats miniers sur le climat des affaires en général, les détracteurs du pays l’accusant souvent d’engager des poursuites judiciaires contre des sociétés minières étrangères.
C’est probablement ce qui justifie la suspension de la procédure judiciaire à l’encontre du géant chinois Molybdenum.
Collectif 24
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