L’État congolais face à l’épreuve de la redevabilité

L’État congolais face à l’épreuve de la redevabilité

Dans toute démocratie véritable, la redevabilité n’est pas un luxe, encore moins un geste de bonne volonté : c’est une obligation. C’est elle qui garantit que ceux qui exercent le pouvoir – élus, fonctionnaires, gestionnaires de fonds publics – le fassent au nom du peuple, et sous son regard. En République démocratique du Congo, cette exigence demeure pourtant l’un des maillons les plus faibles de la gouvernance.

Depuis l’indépendance, l’État congolais peine à s’ériger en modèle de transparence. La gestion des deniers publics est souvent obscure, les rapports financiers tardent à être publiés – quand ils le sont – et les sanctions, lorsqu’il y a faute grave, sont rares et sélectives. La redevabilité, censée être une norme, devient une exception.

Pourtant, le peuple congolais paie, chaque jour, le prix de cette carence. Le manque de redevabilité se traduit par des écoles sans bancs, des hôpitaux sans médicaments, des routes défoncées, une justice inégalitaire. Pendant que certains enrichissent leur silence, la majorité s’enfonce dans la pauvreté. Et dans ce contexte, la défiance des citoyens envers l’État ne cesse de croître.

Mais pourquoi la redevabilité tarde-t-elle à s’imposer comme pilier de l’action publique ?

D’abord, parce qu’il n’y a pas de redevabilité sans transparence. Or, en RDC, de nombreux dossiers sensibles – marchés publics, contrats miniers, budgets des institutions, rétrocessions aux provinces – échappent encore à tout regard citoyen. Ensuite, parce qu’il n’y a pas de redevabilité sans justice indépendante. Mais lorsque les mécanismes de contrôle sont affaiblis ou instrumentalisés, il devient difficile de punir ceux qui détournent les fonds publics.

Enfin, la redevabilité suppose une culture politique renouvelée, où les gouvernants acceptent de rendre compte sans y voir une menace, mais plutôt une marque de maturité institutionnelle. Et où les gouvernés ne se contentent plus d’être spectateurs, mais deviennent acteurs du contrôle citoyen.

Pour relever cette épreuve, l’État congolais doit franchir un cap historique : institutionnaliser l’obligation de rendre des comptes à tous les niveaux. Cela passe par :

  • l’accès public aux données budgétaires,
  • le renforcement du rôle de la Cour des comptes, de l’IGF, et du Parlement,
  • la protection des lanceurs d’alerte et des journalistes,
  • et surtout, la fin de l’impunité dans les affaires de corruption et de détournement.

Il ne s’agit pas seulement de répondre aux exigences des bailleurs de fonds ou de plaire à l’opinion internationale. Il s’agit d’un impératif républicain, d’un devoir envers le peuple congolais.

La redevabilité ne doit plus être vue comme une menace, mais comme un socle. Un socle sur lequel la RDC peut enfin construire une gouvernance à la hauteur de ses ressources et de ses ambitions.

Aujourd’hui plus que jamais, l’État congolais est confronté à une épreuve de vérité. La redevabilité n’est plus une option. Elle est la condition de sa légitimité et de sa survie.

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