RDC : l’accès à l’information face au fléau des détournements
En République Démocratique du Congo, le droit d’accès à l’information est inscrit dans les textes, mais bafoué dans les faits. Cette opacité chronique nourrit l’impunité et alimente un cercle vicieux de mauvaise gouvernance, au cœur duquel se multiplient des scandales de détournement de fonds publics. Plus qu’un simple problème de gestion, c’est toute la crédibilité de l’État qui est en jeu, alors que des milliards disparaissent dans les méandres d’un système opaque et verrouillé.
En 2021, l’Inspection Générale des Finances (IGF) révélait le détournement de plus de 400 millions de dollars dans le programme de 100 jours du Président Félix Tshisekedi. Parmi les projets incriminés : des travaux de voirie inachevés, des marchés attribués de gré à gré, des surfacturations colossales et des paiements effectués sans justification technique. Pourtant, au lieu d’un accès transparent aux conclusions des enquêtes, l’opinion a été noyée dans le flou, entre communiqués évasifs et procédures judiciaires sélectives.
Autre exemple criant : le dossier du Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI), impliqué dans des décaissements douteux à des sociétés fictives ou proches du pouvoir, avec pour toile de fond une absence quasi totale de traçabilité. De même, les fonds destinés à la riposte contre la COVID-19 ont été, selon plusieurs rapports, mal gérés, engloutis dans des circuits financiers opaques, sans reddition claire de comptes devant la population.
Ces scandales ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Car la racine du mal réside dans un système d’exécution budgétaire opaque, où les marchés publics sont souvent passés sans appel d’offres, sans publication des cahiers de charges, et sans accès public aux audits financiers. Le citoyen, quant à lui, est maintenu dans l’ignorance : les données budgétaires sont rarement disponibles, les rapports sont publiés partiellement, et les journalistes qui enquêtent prennent des risques considérables.
Or, sans transparence, il ne peut y avoir ni redevabilité, ni justice. L’accès à l’information n’est pas un luxe démocratique, c’est une nécessité pour garantir la probité dans la gestion des biens publics. C’est aussi un droit fondamental inscrit dans les conventions internationales et dans la Constitution congolaise. Son effectivité permettrait aux journalistes, aux ONG, aux parlementaires et aux citoyens de jouer leur rôle de vigie.
L’heure est venue de sortir de l’opacité systémique. Le gouvernement congolais ne peut continuer à prêcher la lutte contre la corruption tout en verrouillant l’information publique. Il faut des réformes structurelles : une loi claire et contraignante sur l’accès à l’information, une digitalisation des marchés publics, la publication en ligne des dépenses de l’État, et surtout une volonté politique ferme de rompre avec les pratiques du passé.
Car tant que l’information restera confisquée, les détournements continueront à prospérer. Et avec eux, la défiance du peuple envers ses institutions.
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